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Chapitre 3

Au matin, Ceyaolt descendit au bar commander un lait de chèvre. Il prit sa chope et sortit prendre l’air. Il marcha un peu pour quitter l’engourdissement de la nuit.


Une fois réveillé, il alla tirer de l’eau au puits. Il retira ensuite sa chemise puis son pantalon. Lui qui avait passé sa vie à sentir le vent de la course sur son corps presque nu dans les jungles Azca, était heureux de pouvoir enlever ces vêtements faits de tissus lourds et rêches. Puis, il renversa le seau d’eau froide sur sa tête.


Sous le jour naissant, le flot liquide coula sur son torse. Ses muscles puissants se contractèrent au contact de cette fraîcheur qui descendit le long de ses fesses rebondies et de ses larges cuisses. Ainsi dans la lumière encore jeune des soleils levants, Ceyaolt le guerrier exilé loin de chez lui continua ses ablutions.


***


En se réveillant, Lyvuun avait un mal de tête carabiné. Elle regarda autour d’elle en grognant. Qui l’avait ramené chez elle ? Les souvenirs étaient flous, mais elle se rappela de quelques détails. Quand soudain son attitude de la veille lui revint en mémoire.


— Oh non, j’ai pas fait ça…


Se redressant comme elle le put, elle porta une main à son visage. Il était douloureux, mais elle ne sentit aucun gonflement sous ses doigts. L’onguent de Ceyaolt était d’une efficacité assez déconcertante. Il faudrait qu’elle trouve un moyen de le remercier et surtout de s’excuser pour son comportement. En même temps, quelle idée de lui reparler de Cyorah...


Elle se leva et se dirigea vers la petite cuisine où elle trouva une bassine d’eau visiblement déposée là pour elle. Regardant le récipient avec perplexité, elle sursauta quand un léger coup fut frappé à la porte entrouverte menant vers la cour. Elle se retourna et se détendit en reconnaissant la nouvelle arrivante.


— La vache Sohan ! Tu m’as foutu une de ces frousses ! C’est toi qui m’as préparé ça ? demanda-t-elle en plongeant les mains dans l’eau glacée pour s’en asperger le visage. Ou j’étais tellement un déchet que je ne souviens même plus avoir prévu cette bassine ?


Sohan avança dans la pièce et déposa sur la table la nourriture qu’elle avait apportée, un petit rictus sur le visage.


— Quel sens de l’observation cheffe, tu vas m’apprendre tellement de choses sur l’espionnage ! Non, tu ne perds pas tant la mémoire. Tu t’es endormie à la seconde où je t’ai posée sur ton lit, hier soir. Et je ne suis pas sûre que tu aurais pu emmener une bassine pleine jusqu’ici.


Elle observa la mâchoire de Lyvuun, colorée, mais pas enflée.


— Comment tu te sens ? Tu t’es pris un méchant.


— Très drôle, répliqua Lyvuun, un léger sourire aux lèvres. Ça va, mis à part ce mal de crâne atroce. Mais c’est vrai qu’il ne m’a pas raté !


Quelqu’un frappa à la porte, Lyvuun reconnut immédiatement la voix particulière de l’Azca.


— Bonjour Ioruhama. Tu es visible ?


— Tu peux entrer… s’exclama la jeune femme en se rendant compte qu’elle avait oublié le nom de l’homme.


Elle se tourna vers Sohan et lui demanda à voix basse :


— C’est quoi son nom déjà ?


Ceyaolt entra dans la chambre. Torse nu, encore humide de sa douche, les cheveux lourds d’eau, un grand sourire aux lèvres.


— Bonjour mesdames ! Et j’ai toujours une bonne ouïe Ioruhama ! Donc je reprends : celui-ci est Ceyaolt, Chevaucheur de la quetzalipa Azcalt, Chasseur du Jaguar Noir, Gardien du Temple Sacré d’Impa, Amant d’Impa et d’Oremap, Suivant et Protecteur de Lloque Matla le Grand Ambassadeur, et Capitaine de l’armée lantardienne. Enchanté.


Regardant les deux légionnaires, l’homme continua.


— C’est pour des yeux comme les vôtres que j’ai décidé de rester dans ce pays froid. Les femmes sont tellement plus belles ici… et plus accessibles ! Êtes-vous prêtes à partir ? La route est longue.


Lyvuun écarquilla les yeux en découvrant la tenue de l’homme ou plutôt son absence de tenue. Elle le tira par le bras pour le faire entrer, vérifia que les voisins ne l’avaient pas vu et referma la porte derrière lui.


— C’est très gentil de ta part, mais mets un truc sur ton dos ! Et tu ne fais pas partie du genre que je préfère. Mais ce n’est pas contre toi ! se rattrapa Lyvuun se maudissant d’être aussi maladroite. Recommençons depuis le début, j’ai été très mal poli avec toi hier ! Et ce matin !


Elle tendit la main à Ceyaolt.


— Lyvuun Kjelldøttir, ravie de faire ta connaissance !


Elle afficha son plus beau sourire, espérant se faire pardonner.


Se permettant un regard appréciateur, Sohan resta silencieuse un moment. Puis, elle posa enfin sa question.


— Avant que l’on parte, et maintenant que tu es réveillée, quelle est cette mission dont Ceyaolt ne voulait pas me parler ?


Souriant de toutes ses dents, le guerrier répondit :


— J’ai encore un peu de mal avec votre truc là… la « pudeur » c’est le jeune aubergiste qui m’a dit de remettre mon pantalon quand je suis rentré.


Lyvuun soupira, il fallait bien reparler de la mission.


— Pour faire simple, nous devons retrouver et arrêter une magicienne très puissante du nom de Cyorah, que je serais apparemment la seule à reconnaître et que je n’ai pas spécialement envie de revoir. Avant que tu ne me le demandes, oui c’est la raison pour laquelle j’ai légèrement abusé de la boisson hier. Et arrête de le reluquer comme ça !


Elle attrapa une couverture qui traînait et la lança à Ceyaolt.


— C’est pour Sohan, je ne la sens pas très concentrée depuis que tu es arrivé. Et ça, c’est un compliment.


Sohan rit et donna un petit coup de poing dans l’épaule de Lyvuun.


— Tu gâches toujours les beaux paysages !


Puis elle se rembrunit et afficha une mine soucieuse.


— Et ça va aller pour toi ? Pourquoi est-ce qu’on doit la retrouver ?


— On est là pour travailler, pas pour reluquer notre cher collègue, un peu de professionnalisme ! répliqua Lyvuun avec amusement. Et ne t’inquiète pas pour moi, c’est une mission comme un autre !


Elle afficha un sourire complètement faux .


— Apparemment, elle serait dans la capitale, reprit-elle. Mais pour faire quoi ? Aucune idée ! Tu aurais des informations là dessus Ceyaolt ?


Appréciant l’intérêt de Sohan, Ceyaolt répondit :


— C’est flou. On nous a rapporté qu’elle était là-bas alors qu’elle ne devrait pas y être. Sauf que personne ne sait où elle est exactement. Ni n’a de description précise. Et elle est suffisamment dangereuse pour que ça inquiète.


Il se tourna vers Sohan et lui adressa un clin d’œil .


— On a quelques jours de voyage et je dors nu. Tu auras ton comptant de paysage Lactlido.


— Merci pour la précision.


Lyvuun se massa les yeux en soupirant désespérément, préférant ne pas imaginer la scène. Sohan répondit au clin d’œil du chasseur par un grand sourire. Elle s’assit à son aise sur la table puis écouta la conversation en silence, notant mentalement les détails importants.


— Et s’il se passe quoi que ce soit, faites ça loin de moi, merci. Sinon, pour la description, nous recherchons une femme rousse. Une très belle femme rousse. À moins qu’elle ne se soit teint les cheveux. Mais elle est tellement fière de sa couleur que j’en doute. Elle connaît l’étendue de ses pouvoirs, magique et d’attraction, mais sait également rester discrète, il ne faut pas oublier qu’elle est aussi espionne en plus de magiciennes. Donc si nous ne savons pas ce qu’elle recherche ici, nous n’aurons aucun moyen de la retrouver ! C’est une véritable anguille !


Ceyaolt haussa les épaules.


— C’est pour ça qu’on m’a dit de m’adresser à toi. La chasse c’est mon rayon. Mais j’ai besoin d’un débusqueur qui connaisse ma proie. Peut-être verras-tu des traces de ses actions là-bas… et peut-être fera-t-elle une erreur si tu la poursuis ?


— Maintenant que tu le dis, si elle sait que je la poursuis ça pourrait la faire sortir de sa cachette. Elle est tellement sûre d’elle, que ça lui plairait de venir me narguer.


— Bon, il est temps de partir, je pense. Tu te déplaces comment, Lactlido ? Tu peux m’accompagner sur Azcalt.


— Un cheval ne pourrait pas vous suivre, j’imagine, donc je veux bien s’il te plait. Est-ce qu’on a besoin de vivres ou d’eau ? Je peux aller en chercher pendant que vous préparez vos griffons.


Elle descendit d’un petit bond de la table et regarda ses interlocuteurs tour à tour .


— Ça serait parfait Lactlido. Prévois pour deux jours de voyages. Si tu me trouves du lait, ça serait bien.


Il jeta un œil à Lyvuun


— Et pas d’alcool s’il te plait. Azcalt aussi sera ravie d’être chevauchée par une autre que moi.


Il s’adressa à Lyvuun


— Azcalt court vite, mais vous devrez nous attendre un peu, je pense. Voler est toujours plus rapide.


— Très bien, j’y vais tout de suite ! s’exclama Sohan. On se retrouve aux écuries aviaires alors.


Sur ces mots, elle quitta la maison et se dirigea vers les commerces de la ville.


— Ne t’en fais pas, répondit Lyvuun quand Sohan fut partie. En réalité, je consomme assez peu d’alcool. Sauf quand je suis contrariée. Et pas de soucis, Kaya sera ravie de voler plus longtemps, ça fait un moment qu’elle n’est pas sortie pour un vrai trajet hors de la ville.

Ceyaolt hocha la tête en signe de compréhension.


— Loruhama, je te laisse te préparer, je dois moi-même finir de m’habiller, il semble. À tout à l’heure !


***


Arrivé aux écuries, Ceyaolt sella Azcalt. La créature se colla à lui immédiatement, heureuse de le voir.


— Tout doux ma belle ! Figure-toi qu’on va avoir une passagère. Donc on évite les embardées.


Tout en l’étrillant et la sellant il continua :


— Et quand on s’arrêtera, tu auras un congénère pour jouer ! Mais fais attention, tu ne le connais pas alors prudence ! Tu sais bien qu’il ne faut pas les brusquer les griffons d’ici.


***


De son côté, Lyvuun partit préparer Kaya au voyage. La griffonne roucoula en la voyant. Elle s’avança joyeusement pour l’accueillir avant de s’arrêter et de fixer son menton en gonflant ses plumes.


— Calme-toi, ce n’est rien, rit la chevaucheuse en lui gratouillant le cou. Je l’ai un peu mérité.


La griffonne siffla, comme pour lui indiquer de faire plus attention et lui donna un coup de tête affectueux.


— Pour cette mission, nous serons accompagnés d’un ami chevaucheur. Je te préviens sa griffonne est particulière et visiblement assez câline, donc si elle s’approche trop, pas de coup de bec, c’est compris ?


Kaya la fixa et tourna la tête, faisant mine de suivre une souris du regard dans les poutres du plafond. Lyvuun lui attrapa la pointe du bec pour qu’elle la regarde.


— Je suis sérieuse.


La griffonne soutint son regard, visiblement elle était d’humeur taquine.


— Fais attention toi, sinon pas de truite !


Ce dernier argument fit mouche, Kaya inclina la tête en signe d’accord et attendit.


— Tu ne perds pas le nord toi ! Aller tiens.


Lyvuun sortit une belle tranche de truite séchée qu’elle avait pris soin d’apporter et la lança à Kaya qui l’attrapa au vol. La chevaucheuse prépara ensuite sa monture avant de rejoindre ses coéquipiers.

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